Le bilatérisme de l’être humain

Nous avons deux jambes, nous avons deux mains. La marche, comme toute activité corporelle, met le corps en mouvement ; et pas seulement le corps, mais l’être tout entier.

Marcel Jousse disait que si l’être humain était rond, il penserait différemment. Le fait qu’il a deux pieds, un côté droit et un côté gauche le façonne dans son fonctionnement physiologique comme dans son fonctionnement psychique et mental. L’être humain pense dans un rythme, dans un balancement qui le fait choisir une idée plutôt qu’une autre, rejeter un projet plutôt qu’un autre. Il pense mais il vit, respire, crée, parle dans un balancement, du fait de sa structure bilatérale. Celle-ci joue dans le mimisme : l’humain ne pourrait pas recevoir tous les éléments du monde sans les trier, sans les filtrer par le balancement, sinon il en serait écrasé. Il en est de même pour le rejeu intérieur et pour la ré-expression.

« L’être humain est un être à deux battants. La loi anthropologique du bilatéralisme se saisit dans la structure même de l’homme. » op. cit. , p. 303.

Le corps de l’humain sépare l’espace et le détermine en balancement : droite et gauche, avant et arrière, bas et haut. Selon Marcel Jousse, chaque humain est le centre d’un monde…

Il en est de même pour le temps. C’est l’humain qui, par sa conscience, fait la part entre le passé et le futur. Il est humain parce qu’il peut décider de vivre dans le présent. Dans les récitatifs, le geste « aujourd’hui » est le même que le geste « sage ». Savoir vivre au présent, c’est être sage, c’est être humain. Lorsque nous récitons, nous l’expérimentons : réciter, c’est faire advenir un texte appris dans le passé. C’est créer en soi un espace et un temps d’accueil du futur avec confiance. C’est en ce sens que faire mémoire n’est pas seulement se souvenir, mais actualiser un événement passé qui vient.

Le bilatéralisme n’est pas un mécanisme rigide et froid. Il comporte un moment de risque, d’incertitude comme au moment où un balancier repart dans l’autre sens, un moment de déséquilibre où rien n’est joué, où la vie et la nouveauté peuvent surgir et s’épanouir.