La Parole de Dieu, comme devrait l’être toute parole humaine, n’est pas une suite de sons dépourvus de sens, ni même une suite d’idées. La Parole de Dieu est active. Elle crée et sauve. Elle est opérante, elle est geste.
C’est à travers le récit que Dieu se présente comme Père. Parce qu’Il pose des gestes créateurs et sauveurs, le Dieu de la Bible se fait connaître, se rend présent dans l’histoire humaine.
À travers nos gestes corporels, nous pouvons recevoir cette Parole dans la totalité de notre être, et pénétrer ainsi son sens profond. Paola, du Sappel Quart-Monde de Lyon s’exprime ainsi :
« En même temps qu’on dit la vie de Jésus, le fait de gestuer, ça rend Jésus encore plus présent ; ça rend vivante la Parole de Dieu. C’est comme si je m’incarnais dedans, comme si je mettais mon empreinte et que Dieu mettait son empreinte. Il y a toujours une présence. »
D’une certaine manière, les gestes permettent à la Parole de s’incarner dans les corps. Tout en étant porteurs de sens, ils agissent au niveau de l’impact émotionnel de la Parole de Dieu. Ils permettent à la Parole de « toucher », au sens fort du terme.
C’est pour cela qu’ils sont indispensables, au moins dans le temps de l’apprentissage. Par la suite, il arrive que des récitatifs « montent » en nous dans des situations où il est impossible de gestuer, au volant de sa voiture, en faisant la vaisselle, … Même dans ces cas-là, en récitant, ce ne sont pas des idées qui reviennent mais c’est la mémoire émotionnelle que les gestes ont imprimée qui se réveille.
Les gestes posés doivent être rigoureux et souples à la fois, composant un ensemble fluide et dynamique. Il ne s’agit pas d’un enchainement de gestes mais d’un mouvement global qui se déploie et entraine le texte. La gestuelle n’illustre pas une succession de mots, mais elle porte la dynamique du texte. Elle aide à l’intériorisation de la Parole : permettre à la Parole de descendre jusqu’au cœur de l’être. Elle sert également la compréhension du sens profond du texte.
Certains gestes sont chargés théologiquement. Ils sont porteurs d’un sens précis sans être pour autant compréhensibles immédiatement. Ils nécessitent une explication. Par exemple, le geste de la foi, qui consiste à poser les mains paumes vers le sol et fermes devant soi, ne peut se comprendre qu’en sachant que le mot hébreu sous-jacent exprime la solidité, le fait de s’appuyer sur quelque chose de fiable.
D’autres sont plus anecdotiques et descriptifs : appeler, aller, courir…. d’autres encore sont marqués par la culture : on ne balaie pas en Occident comme on balaie à Dakar.
Cependant quel que soit leur caractère, il importe que tous les gestes soient portés par une dynamique corporelle juste, consciente et habitée.
« En accordant une place accrue à la Parole de Dieu dans la vie de chaque chrétien comme dans la vie des communautés, on va à l’essentiel : on permet à « la suite du Saint Evangile » de façonner toujours mieux l’existence des croyants. Ainsi, dans le monde et dans l’histoire, parmi les humains, la vie des chrétiens deviendra une exégèse vivante de l’Ecriture, de la Parole faite chair… Voilà bien l’enjeu décisif de la lectio divina aujourd’hui. »
Enzo Bianchi, Ecouter la Parole, Lessius 2006, p. 99
La gestuation des récitatifs bibliques est au service d’une réception de la Parole de Dieu par l’être dans sa globalité. Il s’agit de retenir des passages de l’Écriture, en ne faisant pas seulement appel à la mémoire cérébrale mais en accordant confiance à son corps tout entier. C’est accepter un certain lâcher-prise, à l’encontre de nos fonctionnements culturels tellement habitués à passer par l’écrit et l’intellect. Mémoriser la Parole, par la gestuation comme par la lectio divina, c’est la garder en soi, comme un trésor. C’est faire l’expérience d’une Parole vivante, agissante.